Lisa Tichagwa actuellement fait ses études à l'Université Jacobs de Brême (Allemagne) et poursuit des études en chimie.

Interview

Lisa Tichagwa à l'Université Jacobs de Brême (Allemagne)

 

Quelle a été votre expérience de l’éducation ?
Dans ma jeunesse, j'ai eu accès à l'éducation. Cependant, maintenant que j'étudie dans une université en Allemagne, j'ai réalisé que pendant mes études primaires et secondaires au Zimbabwe, l'objectif final était d'obtenir de bonnes notes. En grandissant, nous pensions que de bonnes notes signifiaient que vous étiez bon élève ; nous avons dû faire beaucoup d’exercices théoriques lourds, en apprenant surtout des manuels. Il n'y avait aucune réflexion sur ce qu'on nous enseignait de même qu’aucune compétence pratique n'était enseignée, comme la pensée créative et l'entrepreneuriat.

C'est malheureux, et cela signifie souvent que les étudiants ne développent cet état d’esprit qui faut pour réussir au-delà de l'éducation. Cela se traduit par ce qui se passe, à travers toute l’Afrique, avec des diplômés n'ayant pas les compétences nécessaires pour affronter le monde du travail, et faire face à la vie.

Au Zimbabwe, le fait d'avoir les compétences pratiques pour effectuer des travaux spécifiques qui sont demandés devrait faire partie du système éducatif. Ce serait non seulement utile pour le marché du travail, mais stimulera également la créativité.

Une de mes amies au Zimbabwe était meilleure en histoire et en littérature que dans d'autres matières. Quelqu'un qui réussit bien dans une ou deux matières sur 7 ou 8 fait toujours preuve d'intelligence. Cela signifie qu’il faut des approches et matériaux différenciés pour que les étudiants puissent avoir su succès dans un domaine particulier.

J'ai réussi assez bien à mes examens, mais l'approche des manuels ne fonctionne pas pour tout le monde. C’est un système injuste qui favorise l’examen, et non le talent. De nombreux jeunes n'atteindront pas leur plein potentiel avec ce système.

 

Quels sont les obstacles qui empêchent les jeunes d'aller à l’université ?
Le principal obstacle pour les jeunes qui entrent à l'université est la finance, en particulier avec la situation économique actuelle au Zimbabwe.
Quand je pensais à aller l'université, j'ai vu que beaucoup de diplômés n'avaient pas d'emploi, vous pouvez souvent voir des diplômés vendre des légumes et des produits au bord de la rue.

Il y a bien des bourses disponibles pour les étudiants, et bon nombre de jeunes au Zimbabwe participent au programme de bourses de la Higher Life Foundation. Mais les bourses internationales pour les jeunes sont limitées.

 

Que signifie pour vous une bourse ?
J'ai postulé pour étudier à l'Université Jacobs en Allemagne et on m'a proposé une place pour étudier la chimie. Je suis maintenant étudiante en troisième année de premier cycle.

Au début, j'ai pu venir en Allemagne pour commencer mes études, mais à chaque semestre, il y avait des problèmes financiers. Avec la situation économique actuelle au Zimbabwe, il a été très difficile d'obtenir du soutien de la part de mes parents et j'ai commencé à me demander si je serais en mesure de poursuivre mes études.

À la fin de 2018, l'un de mes professeurs à l'Université Jacobs, le professeur Ulrich Kortz, est venu me voir et m'a parlé de la bourse de la Fondation August Wilhelm von Hofmann offerte par la Gesellschaft Deutscher Chemiker (GDCh) pour accéder à un soutien financier supplémentaire pour les frais de subsistance et honoraires. Il a m’proposé de postuler, a soutenu ma candidature et m'a aidé dans le procédé. La bourse m'a permis de rester à l’université et de poursuivre mes études.

 

Comment avez-vous découvert votre bourse ?
Je ne pense pas que je l'aurais découverte autrement que par le biais de mon université. Le processus de candidature signifie que vous devez être nommé par un membre du corps enseignant.

Quand j'étais à l'école, les bourses n'étaient pas promues, vous en entendiez parler par bouche à oreille. Personne n'a fait la promotion de ce genre de choses. Il fallait vous-même prendre l'initiative. J'ai eu la chance de connaître des gens à l'université à qui je pouvais demander, mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. Souvent, ceux qui ont le plus besoin de bourses n’obtiennent pas de soutien.

 

Quel a été l'impact sur votre vie ?
En faisant un BSc en chimie j'ai remarqué qu'il y a une perception négative concernant les sciences naturelles. Les gens pensent que vous n’obtiendrez pas d’emploi après avoir obtenu votre diplôme.

J'ai écouté ces réflexions, mais en même temps me suis fait mon idée propre pour voir ce qui me convient. J'apprécie vraiment la chimie, donc j'essaie autant que possible de changer cette perception et de prouver que les sciences naturelles sont une bonne chose. Ensuite, j'espère terminer mon diplôme et aller en Master.

En travaillant avec ESSA, j'ai développé mes compétences en recherche et j'ai appris à travailler en équipe. Tout est fait par internet et communication digitale, vous devez donc avoir une bonne communication et demander de l'aide lorsque vous en avez besoin. J'ai appris que beaucoup de gens sont prêts à vous aider si vous le demandez. Ne vivez pas dans votre propre bulle et pensez que vous devez tout faire seul.

 

Pourquoi les bourses sont-elles importantes pour les jeunes ?
J'ai été surprise par certains des résultats du rapport d'impact de ESSA. L'impact de la bourse sur l'individu et la société est très important.

Ceux qui devraient bénéficier de bourses sont les moins informés de ce qui leur est disponible. Il y a de faibles taux d'achèvement des bourses parmi les étudiants et un soutien limité pour les étudiants tout au long du processus de demande et tout au long de leur bourse. Il ne s'agit pas seulement d'un soutien financier, mais les étudiants ont besoin de mentorat et d'aide tout au long de leurs études.

 

Quels sont vos espoirs pour l'avenir ?
Je suis reconnaissante pour les opportunités que j'ai eues d'étudier dans une université internationale et de recevoir une bourse et un soutien.

Je trouve un peu triste de voir que beaucoup de jeunes ne soient pas heureux parce qu'ils ne voient ni avenir ni opportunités. Le seul avenir qu'ils voient est en dehors du continent africain. Je veux que les choses évoluent à un point où recevoir une bourse pour étudier à l'extérieur du pays n'est pas un grand problème.